L'expérience lyonnaise d'une double diplomation (DE travail social [DEAS, DEES..., /licence de sociologie ou de sciences de l'éducation) a maintenant plus de 20 ans. Mise en œuvre à Lyon2 en coopération avec deux Écoles (École Rockefeller et ITS [aujourd'hui ARFRIPS]), cette formation a connu différentes variantes, le module spécifique du parcours ayant connu 3 intitulés : TIS (Territoires et intervention sociale), TSA (Travail social en actes), aujourd'hui EPP (enquêter à partir de sa pratique).

Initialement, la formation par la recherche sociologique devait permettre d'inscrire les pratiques d'intervention sociale dans le territoire local, de manière à ne pas les réduire à la simple dyade travailleur social/usager. Les tensions rapidement apparues entre formateurs et enseignants-chercheurs ont nécessité de revoir le dispositif de manière plus symétrique. Après différents expérimentations, l'équipe pédagogique s'est entendue autour d'un travail de recherche centré sur l'observation et l'analyse qualitatives des pratiques de stage des étudiants. L'extension du partenariat à l'ensemble des écoles professionnelles lyonnaises a donné à voir de nouvelles difficultés de compréhension chez certains formateurs.trices et étudiant.e.s, avivées par un désaccord persistant avec le département de sciences de l'éducation, resté attaché à une transmission « descendante » des savoirs universitaires. Une nouvelle maquette pédagogique a été mise en place, qui fera l'objet de la communication.

L'idée centrale est de proposer, dans le prolongement des expérimentations précédentes, un enseignement d'initiation à l'enquête sociologique, pensé en étroite articulation avec la pratique des travailleurs sociaux. Plus précisément, et au nom de l'adage pragmatiste suivant lequel l'enquête est immanente à la vie, le module invite les étudiants à s'intéresser à des moments de trouble ou à des épreuves rencontrées sur leurs terrains de stage, convertis ensuite en problèmes « ordinaires » du travail social. Les étudiants sont alors invités à se saisir des enquêtes dans lesquelles eux, leurs collègues, les usagers ou bénéficiaires, leurs proches, etc. sont engagés. A aucun moment il ne s'agit de faire valoir que l'enquête sociologique est en capacité de résoudre les problèmes auxquels sont confrontés les enquêteurs que sont les travailleurs sociaux, les bénéficiaires, les proches, etc.

L'enjeu d'un tel enseignement est double. D'une part, sur le plan de l'activité, il permet de considérer les tensions insolubles qui traversent l'intervention sociale, et de les penser en vue de composer avec elles. D'autre part, et avec l'idée de transmettre la nécessité de sortir du dualisme encore vivace « théorie/pratique », il s'agit de penser l'enquête comme une pratique, qu'elle soit en l'occurrence scientifique ou professionnelle (Stengers, 2006).

Stengers I., 2006, La vierge et le neutrino, Les scientifiques dans la tourmente, Les empêcheurs de penser en rond.

[Attention : si elle est retenue, cette communication pourrait-elle être programmée le lundi, car plusieurs intervenants pressentis ont cours le mardi]